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La reconversion professionnelle volontaire vers les métiers de la filière équine
Dans la majorité des cas, les individus ne peuvent pas ou plus s’adapter à un univers professionnel qui
semble être aux antipodes de leurs valeurs : on parle de désajustement. Les valeurs de l’entreprise
sont de plus en plus en décalage avec les valeurs de l’individu qui alors a le sentiment de ne pas être
à sa place. Pour certains, le désajustement est rapidement perçu et impose une sortie accélérée de
l’emploi occupé. En revanche, quand le décalage se fait ressentir plus progressivement, l’individu
exerce souvent une double activité : une fonction « alimentaire» et une fonction « de cœur ». Cepen-
dant, plus l’activité choisie prend de l’importance, plus la personne se sentira en décalage dans son
premier emploi.
La latence
La latence correspond à un état d’incertitude où l’individu remet en cause son engagement profes-
sionnel. Ce moment de réinterprétation de la réalité provoque la redéfinition de la situation actuelle
qui initialement était perçue comme satisfaisante. Cette étape est synonyme de doute et d’insatis-
faction. Dans les premiers moments de la phase de latence, la décision de la réorientation n’est pas
encore prise. Cette phase apparaît comme inconfortable et puise sa source de mal-être dans des
facteurs objectifs d’insatisfaction et des facteurs plus subjectifs pas forcément identifiables par l’en-
tourage.
La première phase de la latence est vécue comme une tension. Elle provoque le sentiment que le
mode de vie antérieur est devenu inacceptable et ne permet plus à la personne de s’épanouir. Puis,
le désengagement se fait de plus en plus sentir et aboutit au passage à l’acte. L’individu exprime ce
qu’il vit et c’est ce symptôme de mal-être qui marque l’entrée dans le processus de reconversion. A
partir du moment où l’individu exprime à une tierce personne son mal-être au travail, il est évident qu’il
doit trouver une solution à la situation, ce qui l’engage plus encore dans le processus de la reconver-
sion.
La phase de latence rend compte d’une temporalité : temps de la rupture, temps de l’introspection,
temps de la déconstruction et temps de la reconstruction. Leur durée varie d’un individu à un autre.
Dans le contexte de notre étude, cette notion de temps est d’autant plus forte que la reconversion
ne donne pas lieu à une promotion sociale. Dans notre société, quitter un emploi stable parce que
l’individu ne s’y épanouit plus n’est parfois pas suffisant pour occasionner un départ. La norme sociale
est prégnante : un travail qui offre statut et revenus estimés comme satisfaisants doit être conservé.
Lorsque la reconversion n’entraîne pas une plus grande aisance matérielle, elle est jugée improduc-
tive. Ainsi, certaines personnes envisagent leur licenciement comme une délivrance. Le désengage-
ment se construit donc dans le temps. L’éventualité d’un changement est d’abord envisagée avant
d’être exprimée et mise en œuvre.
Le deuxième temps de latence est celui des possibilités : la personne se projette dans différents
espaces sociaux et professionnels. Ce temps est consacré au rêve et à la projection puisque l’indi-
vidu s’imagine dans une nouvelle trajectoire. C’est un temps de recherche sur soi, sur sa vie profes-
sionnelle et personnelle. Les individus semblent alors en dehors de toutes contraintes, ils reviennent
sur les blocages passés, se demandent ce qu’ils voulaient être et ouvrent ainsi des possibilités. Cette
deuxième phase se termine sur une phase de mise en œuvre : la prise de décision. Dans le cadre
de la reconversion vers la filière équine, cette phase est courte puisque l’idée de travailler avec les
chevaux est prégnante dans la décision de changement de trajectoire. Cette période de latence
repose sur la réflexion et le choix du métier possible. Ainsi, un individu rêvant de devenir jockey se
résignera par exemple à un poste de soins plus approprié à son âge et à sa condition physique.
La prise de risque apparaît sur ce temps de latence. Elle est même centrale car l’individu évalue ses
possibilités et mesure ses potentialités. Il détermine les risques, fait la part entre les raisons objectives
et les raisons subjectives. Souvent, le risque le plus grand est de de ne pas changer de situation. La
reconversion professionnelle volontaire constitue un élément charnière entre passé et futur dans le
parcours d’un individu.